PFAS : des substances chimiques dans le collimateur
Les per et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, sont des substances aux propriétés chimiques spécifiques qui expliquent leur utilisation dans de nombreux produits de la vie courante : vêtements techniques, mousses à incendie, emballages alimentaires, etc. Extrêmement persistants, les PFAS se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement et peuvent contaminer les populations à travers l’alimentation ou l’eau consommée. La problématique des PFAS traversant largement les frontières, c’est aujourd’hui à l’échelle européenne que leur surveillance et leur évaluation sont menées.
Que sont les PFAS et où les trouve-t-on ?
Les substances per- et polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de PFAS, sont une large famille de plus de 4000 composés chimiques. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, les PFAS sont largement utilisés depuis les années 1950 dans divers domaines industriels et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc.
Ces substances chimiques sont très nombreuses et varient selon le nombre de carbones qui les constituent. Plus elles contiennent de carbone et plus elles sont persistantes dans l’environnement. L’une des sous-familles les plus connues sont le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane), ces derniers étant les plus persistants dans l’environnement.
Les aliments, en particulier avec les produits de la mer, constituent des sources conséquentes d’exposition de l’Homme à ces composés. Pour les aliments courants, les concentrations les plus élevées de PFOA et PFOS sont retrouvées dans les crustacés et les mollusques. L’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) peut également être une source de contamination.
Au cours des dernières décennies, les perfluorés à longue chaîne carbonée ont été en partie substitués par des perfluorés à chaîne courte, plus mobiles dans les sols par exemple. Ces derniers restent néanmoins persistants et peuvent présenter un niveau équivalent de préoccupation.
Pourquoi appelle-t-on les PFAS les « produits chimiques éternels » ?
Les PFAS contiennent tous des liaisons carbone-fluor très stables. Ils varient selon la longueur de leur chaîne carbonée. Ces liaisons chimiques stables en font des composés chimiques très peu dégradables une fois dans l’environnement. C’est la raison pour laquelle on les surnomme parfois les « forever chemicals » ou « produits chimiques éternels ».
Pourquoi ces composés sont-ils préoccupants et quels risques présentent-ils pour notre santé ?
L’utilisation variée de ces composés chimiques, combinée à leur caractère très persistant entraîne une contamination de tous les milieux : l’eau, l’air, les sols ou encore les sédiments. Certains s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. D’autres, plus mobiles, sont transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air et peuvent se retrouver jusque dans les océans Arctique et Antarctique.
Nous pouvons ainsi être exposés aux PFAS dans notre environnement intérieur, parfois sur notre lieu de travail, à travers notre alimentation ou encore via l’eau potable que nous consommons.
Concernant les effets sur la santé, la toxicité de ces composés chimiques est multiple : ils provoquent une augmentation du taux de cholestérol, peuvent entraîner des cancers, causer des effets sur la fertilité et le développement du fœtus. Ils sont également suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire. Cet effet des PFAS sur le système immunitaire a récemment été mis en exergue par l’EFSA qui considère que la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination constitue l’effet le plus critique pour la santé humaine.
Comment les PFAS sont-ils réglementés ?
Au niveau international
La convention de Stockholm, accord international (2001) visant à encadrer certains polluants organiques persistants, réglemente plusieurs composés de la famille des PFAS au niveau mondial : le PFOS est restreint depuis 2009 et le PFOA est interdit à l’import, l’export et à la production, depuis 2020. La famille de l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et composés apparentés sont envisagés pour une inclusion prochaine dans ladite Convention.
Au niveau européen
En Europe, plusieurs actions sont en cours pour compléter la convention de Stockholm sur d’autres familles de perfluorés.
L’ensemble des initiatives européennes sur le sujet ont récemment été mises en avant dans la stratégie de l’Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques. Cette stratégie est le premier pas sur la voie de l’ambition «zéro pollution» pour un environnement exempt de substances toxiques annoncée dans le pacte vert pour l’Europe.
Via le règlement REACH 1907/2006
La stratégie mentionne spécifiquement les PFAS comme étant d’intérêt prioritaire pour la gestion des risques. Dans ce contexte, une restriction globale des PFAS, portée par 5 Etats membres – Suède, Norvège, Danemark, Pays-Bas et Allemagne – a été annoncée. Une analyse est en cours pour définir les contours de cette mesure d’envergure.
Réglementation dans les eaux de consommation
Les PFAS font partie des nouveaux paramètres introduits à l’occasion de la refonte de la directive européenne 2020/2184 du 16/12/2020 relative à la qualité des EDCH. Ainsi, 20 PFAS sont ciblés et une limite de qualité (0,10 µg/L) est fixée pour la somme de ces 20 molécules dans les EDCH. Un autre paramètre plus global, intitulé « PFAS (total) », est également introduit avec une limite de qualité associée de 0,50 µg/L.
Par ailleurs, le PFOS et ses dérivés figurent dans la liste des substances prioritaires de la directive cadre sur l’eau. Ils sont donc intégrés dans la surveillance et le contrôle des masses d’eau à l’échelle de l’Union européenne pour améliorer la qualité des eaux, tant au regard de l’état chimique que de l’état écologique. A l’échelle nationale, il faut se référer à l’arrêté du 25 janvier 2010 modifié établissant le programme de surveillance de l’état des eaux en application de l’article R. 212-22 du code de l’environnement. Dans ce cadre, le PFOS et plusieurs autres PFAS sont surveillés en France dans les milieux aquatiques depuis 2019.
Réglementation dans les matériaux au contact des denrées alimentaires
Certains PFAS sont utilisés dans la formulation des matériaux au contact des denrées alimentaires ou MCDA. Actuellement, il n’existe pas de liste définitive référençant l’ensemble des PFAS utilisés dans ces matériaux. Néanmoins, en 2020, l’OCDE a mené des travaux afin de lister l’usage de ces substances dans les MCDA. Ces substances sont principalement utilisées dans les emballages en papier/carton comme constituants de barrières étanches vis-à-vis des aliments, notamment liquides. L’Agence sanitaire allemande (BfR) a référencé 12 substances pour ce type d’application. Concernant les MCDA à base de matière plastique (règlement 10/2011), le sel d’ammonium du PFOA est autorisé comme additif technologique uniquement pour une utilisation dans des objets réutilisables. Cette substance est également répertoriée dans la liste ESCO (inventaire de substances utilisées par les Etats membres de l’Union européenne) pour un usage dans les encres d’imprimerie.
Quels sont les travaux menés par l’Agence sur ces composés ?
L’Agence a mené d’importants travaux sur les PFAS pour :
- mieux comprendre les usages, les sources d’exposition (PDF) et la toxicité (PDF) de ces composés ;
- élaborer des valeurs toxicologiques de référence pour certaines substances (PDF) ;
- évaluer le risque associé au relargage de PFOA par les revêtements des ustensiles de cuisine antiadhésifs ;
- établir un état des lieux de la présence de PFAS dans les ressources en eaux et dans l’eau destinée à la consommation humaine.
Parce que ces substances traversent les frontières et que leur surveillance et leur évaluation demandent des moyens financiers considérables, des études sont aujourd’hui menées au niveau européen et l’Anses est impliquée dans les comité d’experts en charge de l’évaluation de ces dossiers dans le cadre de REACH.
A ce titre, l’Anses et l’INSERM ont co-construit avec des partenaires européens un programme ambitieux de surveillance de nos expositions aux substances chimiques. Le programme européen de bio-monitoring HBM4EU inclut cette large famille de substances et a permis de définir la répartition des expositions en Europe. Les objectifs de HBM4EU sont multiples et permettront de répondre aux questions que se posent les régulateurs sur cette large famille : niveaux d’imprégnation des populations, développement de biomarqueurs et de méthodes analytiques, recherche sur les alternatives aux substances déjà interdites, etc.
Cinq sites pollués à un niveau dangereux dans l’Hérault
Les experts, interrogés dans le cadre de l’enquête, considèrent qu’une contamination est jugée dangereuse pour la santé quand elle dépasse les 100 nanogrammes par litre. Dans la cartographie interactive publiée par le quotidien français, 10 sites sont contaminés dans l’Hérault dont cinq à des niveaux dangereux (17.000 en Europe dont 2.100 à des niveaux dangereux). Ils présentent des concentrations de PFAS entre 500 à 600 nanogrammes par litre. Il s’agit du Vidourle au niveau de Marsillargues (574,8), du Lez à Lattes (574), le Pallas à Mèze (566), la Mosson à Villeneuve-lès-Maguelone (559,3) et le Salaison à Mauguio (537,4).
Au fur et à mesure que des données sur les effets des PFAS sont collectées, le tableau se noircit. Le Monde indique que cela peut passer par une diminution du poids des bébés à la naissance, de la réponse immunitaire aux vaccins chez les enfants, par augmentation des risques de cancers du sein ou des testicules ainsi que par une hausse du taux de cholestérol.
Les autorités sanitaires allemande, danoise, néerlandaise, norvégienne et suédoise ont déposé mi-janvier auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un projet visant à bannir ces composants, appuyé par d’autres pays dont la France qui a récemment présenté son propre « plan d’action ». Un plan jugé trop timide et trop lent par France nature environnement.
Liens utiles à consulter
https://pfasproject.com/pfas-sites-and-community-resources/